Edouard Durand et Judith Godrèche, unis contre le déni

C’est un samedi d’hiver ensoleillé, Judith Godrèche déjeune avec l’avocate Camille Kouchner dans un restaurant du quartier du Carreau du Temple, à Paris. Ce 17 février, l’actrice qui a porté plainte contre Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour « viol sur mineur » et l’autrice de La Familia grande (Seuil, 2021), sur l’inceste subi par son frère, évoquent le juge des enfants Edouard Durand. Camille Kouchner aimerait présenter à Judith Godrèche celui qui a coprésidé la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) avant d’en être évincé, en décembre 2023. Elle l’appelle pour organiser la rencontre.
La vie fait parfois bien les choses, le magistrat déjeune dans un restaurant mitoyen du leur. Il les rejoint et, depuis, Judith Godrèche et Edouard Durand échangent régulièrement, comme deux personnes engagées dans une même lutte. « Nous nous sommes compris de façon presque instinctive », confie la comédienne. « Dans une société de déni, ceux qui combattent les violences sexuelles forment un collectif de personnes qui s’identifient rapidement, remarque Edouard Durand, dans un café. Après Christine Angot, Adèle Haenel, Vanessa Springora, Camille Kouchner ou Emmanuelle Béart, Judith Godrèche s’inscrit dans une histoire et la fait avancer. »
Le magistrat et l’actrice se sont revus chez elle le 27 février. Judith Godrèche voulait travailler sur son audition au Sénat deux jours plus tard, devant la délégation aux droits des femmes – qui avait reçu Edouard Durand, en novembre. Devant les parlementaires, l’actrice a rendu un hommage appuyé au juge. Ses premiers mots ont été pour lui : « En 2024, nous décidons encore d’invisibiliser la souffrance des enfants à travers cette décision de retirer Edouard Durand de la tête de la Ciivise pour la laisser, cette Ciivise, s’échouer sur le sable, mort-née. (…) Serait-il possible que les sénateurs, les lois, le gouvernement, donnent à notre société la possibilité, la chance, à Edouard Durand d’accomplir son destin héroïque de son vivant ? »
Membre de la délégation, la sénatrice socialiste Laurence Rossignol ne s’attendait pas à ce que l’actrice parle si longuement du juge, sans en être « totalement surprise » : « Judith Godrèche a trouvé un interlocuteur à la hauteur de sa prise de position. Elle est cash, très politique. Ses propos montent en puissance, sa pensée sur les violences sexuelles est très construite, structurée. Edouard Durand, lui, est d’une indépendance non négociable. Le gouvernement demande aux personnes qu’il nomme d’être à son service, or il ne l’est pas. Edouard Durand est au service de la cause qu’il défend. »
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